Le casse-tête du recyclage des avions
En cinq ans, la durée de vie moyenne d’un avion est passée de 31 à 26 ans. Cette utilisation raccourcie, couplée à la hausse du trafic, rend indispensable une montée en cadence de la filière recyclage des aéronefs. Mais la valeur des produits issus du recyclage est en baisse…
Dans sa dernière étude de marché, Boeing évalue le taux annuel de renouvellement des flottes aériennes à 2% à 3%. "Il va y avoir de plus en plus d'avions candidats au retrait de service", confirme à l’AFP Philippe Fournadet, président de Tarmac Aerosave, une coentreprise détenue par Airbus, Sita (Suez environnement) et Snecma (groupe Safran) installée sur l’aéroport de Tarbes. Philippe Fournadet estime le marché mondial à entre 12 000 et 15 000 appareils mis à la casse sur les 20 prochaines années, soit 600 à 750 par an. S’il fallait les stocker, il faudrait y consacrer plus de la moitié de la surface de Paris.
Seule solution : les dépolluer, les démonter et les recycler. Le marché mondial du démantèlement d’avions représente une valeur totale de quelque 80 millions de dollars en 2014, selon une étude menée en partenariat par TeamSAI Consulting et l’Afra (Aircraft Fleet Recycling Association).
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sourceMais, comme souvent sur le marché, abondance de biens nuit. Les volumes croissants de carcasses et de pièces détachées en font baisser le prix, et l’activité n’est pas si simple à équilibrer. Selon l’Afra, la valeur cumulée de ces pièces d’occasion (vendues à environ 50% du prix du neuf) atteindrait tout de même 3,3 milliards de dollars par an. Quant à l'aluminium, qui constitue le matériau majoritaire d'un modèle comme l'A380, il a perdu plus d'un tiers de sa valeur en trois ans, rendant sa revente moins rémunératrice bien qu'il soit recyclable indéfiniment. Un avion démantelé proprement permet néanmoins de fabriquer 5 176 470 canettes (boîtes-boisson).
Deux acteurs en France
Il n’existe en France que deux sites dédiés à cette activité. Le plus ancien, sur l’aéroport de Châteauroux, est opéré par Bartin Aero Recycling depuis 2005. Cette filiale de Veolia spécialisée dans le recyclage des métaux démantèle une dizaine d’avions chaque année sur une plate forme de 15 000 m2.
A Tarbes, Tarmac Aerosave assure depuis 2009 la maintenance ou le démantèlement des avions en fin de vie sur un site de 30 hectares. Face à la demande qui explose, un second site de 340 hectares a été ouvert sur l’aéroport de Teruel en Espagne. La société se présente comme le leader européen du stockage, de la maintenance et du recyclage des avions en fin de vie, avec plus de 50 avions démantelés à ce jour, valorisés à plus de 85% de la masse. L’objectif étant de monter à 90%.
Des défis technologiques
Plusieurs freins empêchent encore une valorisation accrue des avions mis au rebut. Pour améliorer ce taux, il faudrait accélérer le mouvement d’écoconception. Outre l’allègement et la sobriété en carburant, celle-ci doit intégrer une contrainte de recyclabilité des appareils.
Les alliages complexes, par exemple, rendent plus difficile et plus coûteux le recyclage des métaux, qu’il faut re-séparer. Les composites carbone, qui entrent à hauteur de 50% dans la construction des derniers modèles d’avions, posent aussi un problème de plus en plus prégnant. Suez a annoncé le 19 juin, au Bourget, le développement d’une technologie de séparation de la résine et des fibres de carbone en partenariat avec la start-up Camille, qui a breveté la technologie Xcrusher (utilisée également dans le secteur minier). Cette séparation par énergie pulsée, sans solvant chimique, permet de récupérer les fibres, qui conservent leur longueur et leurs propriétés. Ce projet est intégré dans le dispositif "Nouvelle France industrielle".
L’aéronautique n’est plus le pollueur majeur qu’il fut, rejetant les agrocarburants et laissant quelque 4 000 appareils stockés ou enfouis sous le sable du désert de l’Arizona. Le secteur a pris le virage du développement durable. Mais les avions verts restent à construire.
Myrtille Delamarche
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