Deux études, publiées en ligne le 26 juillet 2022 dans la revue Science, rapportent que le marché aux animaux vivants Huanan à Wuhan, en Chine, a été l’épicentre de l’émergence de la pandémie de Covid-19 et que celle-ci s’est manifestée par la transmission de l’animal à l’homme d’au moins deux lignages viraux distincts.
On le sait, tout a commencé le 31 décembre 2019, lorsque le gouvernement chinois a notifié à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) l’apparition d’une épidémie de pneumonie sévère de cause inconnue à Wuhan (province du Hubei), ville qui compte environ 11 millions d’habitants. Le 2 janvier 2020, 41 personnes étaient hospitalisées pour une mystérieuse pneumonie. Parmi elles, 27 avaient eu un contact direct avec le marché Huanan de la ville de Wuhan où des animaux vivants étaient vendus. Les premiers diagnostics de ce que l’on dénommera la Covid-19 furent établis dans plusieurs hôpitaux entre le 18 et le 29 décembre 2019.
Une revue systématique publiée dans un rapport de la mission conjointe OMS-Chine avait montré que 55 des 168 premiers cas de Covid-19 étaient associés au marché de gros en fruits de mer Huanan (Huanan Seafood Wholesale Market).
« Nos résultats montrent que le marché Huanan a été l’épicentre précoce de la pandémie de Covid-19 et suggèrent que le SARS-CoV-2 a probablement émergé à la faveur du commerce d’animaux vivants sauvages en Chine », déclarent Michael Worobey, Andrew Rambaut, Kristian Andersen et leurs collègues.
Il s’avère que les premiers cas de Covid-19 ont concerné des personnes vivant à proximité ou aux alentours du marché Huanan. Bien que ne disposant pas des coordonnées précises des habitations de 164 patients vivant à Wuhan, les chercheurs ont pu déterminer la latitude et la longitude de 155 cas à partir des cartes du rapport de la mission conjointe OMS-Chine.
Le groupement des cas de Covid-19 en décembre 2019 autour du marché de Wuhan contraste avec ce que l’on a observé entre début janvier et mi-février 2020 où la diffusion des cas était plus dispersée dans Wuhan. Ces cas apparus secondairement ont été tracés via les données de localisation d’une application d’assistance pour les personnes atteintes de Covid-19 réalisée par le réseau social Sina Weibo.
Schéma montrant l’emplacement des prélèvements environnementaux positifs pour le SARS-CoV-2 et les cas humains dans la zone ouest du marché de Wuhan. La zone rectangulaire entourée d’une ligne hachurée délimite la zone « vie sauvage » du marché. La photo de gauche (prise par Edward Holmes de l’université de Sydney en 2014) montre l’empilement des cages dans lesquelles des chiens viverrins et des oiseaux vivants sont enfermés. Worobey M, et al. Science. 2022 Jul 26:abp8715.De nombreux hôtes animaux pourraient avoir hébergé les virus ancêtres du SARS-CoV-2, notamment des renards roux, des blaireaux porcins et des chiens viverrins. Ce mammifère carnivore, prédateur de chauves-souris et qui ressemble à un raton-laveur, se cache souvent dans les endroits où se trouvent des chauves-souris. Les chiens viverrins sont vendus durant toute l’année à la fois pour leur chair et leur fourrure. On sait que ces animaux étaient vendus au moins jusqu’en novembre 2019. On rappelle que l’on ignore toujours quel est l’hôte animal intermédiaire infecté par le SARS-CoV-2 qui aurait été présent sur le marché Huanan ou dans une ferme approvisionnant les commerçants de ce lieu de vente d’animaux vivants.
Il s’avère que cinq prélèvements environnementaux recueillis à partir d’un emplacement unique vendant des animaux vivants fin 2019 étaient positifs pour le SARS-CoV-2. De plus, les objets échantillonnés concernaient une cage métallique, deux chariots (du même type que ceux fréquemment utilisés pour transporter les cages des animaux), et un instrument servant à tondre ou à enlever les plumes.
Edward Holmes, l’un des auteurs de l’article, chercheur à l’université de Sydney, avait eu l’occasion, en 2014, d’observer des chiens viverrins enfermés dans une cage métallique disposée au-dessus d’une cage renfermant des oiseaux vivants. Un récent rapport a indiqué que le grillage autour de cet étal, sur lequel les cages de ces animaux étaient empilées, avait été testé positif pour le SARS-CoV-2. Il avait également été montré que le virus était aussi présent dans l’eau s’évacuant de cet emplacement et d’un emplacement voisin...
la pandémie a très probablement commencé à l’occasion d’au moins deux franchissements distincts de la barrière d’espèce entre l’animal à l’homme en novembre 2019.
Les auteurs sont formels : leurs simulations épidémiologiques ne sont pas compatibles avec l’hypothèse d’une unique introduction du SARS-CoV-2 chez l’homme pour expliquer la diversité génétique de ce virus, ce que l’on appelle sa phylogénie. À l’inverse, leurs modèles sont très en faveur d’introductions séparées des lignages A et B.